L’Accord 30 août 2021, dit de Montana, est né d’une démarche entreprise en janvier 2021 par la société civile organisée visant à apporter une solution haïtienne à cette crise globale, conjoncturelle et structurelle, qui place notre pays au bord d’un effondrement total.
Depuis plus de trois ans, le BSA, dûment mandaté par les signataires de l’Accord de Montana, fidèle à la mission qui lui a été assignée a privilégié avec constance le dialogue, l’ouverture, l’écoute et la recherche de consensus, dans l’intérêt collectif. La descente aux enfers de notre peuple, sa douleur ne font que renforcer notre vigilance à ne jamais nous accommoder des simulacres politiques, à seul effet de susciter de faux espoirs, de prolonger la crise, attiser les souffrances et contenir les revendications légitimes de la population souffrante.
Malgré les pressions et ingérences de toutes sortes, grâce à notre ténacité à défendre les valeurs, les principes éthiques qui fondent l’Accord du 30 août et reconnaissant la nécessité historique d’un consensus national, nous avons pu négocier et signer avec des acteurs clés l’Accord du 3 avril 2024 pour une transition pacifique et ordonnée.
Cet Accord, né d’une négociation entre les parties prenantes exclusivement haïtiennes, établit une sortie de la crise conjoncturelle par la mise en place d’un exécutif de transition bicéphale avec une présidence collégiale et un gouvernement, tout en jetant les bases d’une solution à la crise structurelle à travers les réformes à entreprendre inscrites dans l’Accord et en particulier à travers la Conférence Nationale.
En l’absence de référent constitutionnel, la légitimité de cet exécutif réside dans ce pacte politique fondateur, l’Accord du 3 avril 2024. Les neuf membres du Conseil Présidentiel et les secteurs qui les ont désignés ont activement participé à l’élaboration de cet Accord et se sont engagés par leur signature à l’appliquer et à le respecter tant dans son esprit que dans sa lettre qui prônent, entre autres, la restauration de la dignité d’Haiti, la réhabilitation des institutions, l’instauration d’un Etat de droit, la lutte contre la corruption et l’impunité, la justice sociale, la reddition de comptes.
Force est de constater que depuis l’installation du CPT le 30 avril, les membres du Conseil Présidentiel, incapables de prendre la mesure de la mission historique qui leur a été confiée, ont accéléré, par leur trahison tout aussi historique, la détérioration des conditions de vie de la population haïtienne. La non-publication dans le Journal Officiel et le non-respect des termes et de l’esprit de l’Accord et surtout leur capture de l’Etat à des fins strictement personnelles et claniques consacrent un coup d’état contre les intérêts de la Nation.
En mettant en œuvre leur propre projet politique, en opposition même à l’Accord du 3 avril, les membres du CPT ont choisi de nier les capacités nationales de résolution des problèmes de sécurité qui devaient être mobilisées par le Conseil National de Sécurité, chargé par l’Accord de négocier les modalités de coopération avec les partenaires internationaux.
Vidés désormais de toute légitimité nationale, les membres du CPT, ont été réduits à rechercher une reconnaissance internationale, ont cédé, d’emblée et totalement, leur responsabilité régalienne de défendre et de protéger Haïti, à des initiatives étrangères hypothétiques dont on sait déjà qu’elles ne disposent nullement et nulle part de la capacité à résoudre par elles-mêmes les crises d’une nation, en particulier d’ordre sécuritaire, même quand elles ont contribué à les construire.
De surcroît, ils se sont plongés dans la fange de la corruption en s’adjugeant des fonds de l’Etat destinės aux services d’intelligence, lesquels sont vitaux pour affronter l’insécurité galopante. Alors que trois de leurs membres sont convaincus de corruption et décriés dans l’opinion et par certains secteurs qui les ont désignés au CPT, la solidarité de comparses jette l’opprobre sur toute la Présidence du pays. Et leurs semblants de querelles internes sont politiquement sans issue.
Le gouvernement dirigé par M. Conille, formé et nommé dans l’opacité et en dehors des normes convenues dans l’Accord du 3 avril, installé dans la même illégitimité, a entretenu avec le CPT des querelles de pouvoir, dans le même mépris des souffrances de la population, pour le partage des jouissances des biens de l’Etat et n’a pas survécu longtemps, dans l’indifférence générale.
Votre gouvernement arrive dans la continuité de cet ordre, auquel vous vous êtes soumis, entaché de la même illégitimité, de la même opacité, des mêmes tares et des mêmes conflits d’intérêt particulier, en opposition à l’intérêt national. La nation ne sait toujours pas pourquoi votre candidature a été rejetée lors de la première sélection du premier ministre.
Depuis plus de trois ans la population endure un véritable calvaire et l’accumulation de massacres, de viols, de tortures, d’enlèvements, d’incendies qui ont fait des milliers de morts, des centaines de milliers de migrant.e.s, des centaines de milliers de déplacé es… et tant de souffrances muettes qui tuent encore. L’urgence des urgences, la priorité des priorités, c’est de mettre fin à ces souffrances. Montana a négocié, discuté, concédé parfois sans aucune compromission au nom de cette urgence et continue, inlassablement.
Aujourd’hui le constat est fait. Les membres de cet exécutif, persistant dans leur trahison, conduisent le pays à sa ruine. Le BSA attaché aux fondamentaux de l’Accord du 3 avril qui coïncident avec ceux de l’Accord de Montana, condamne les coups de force successifs assénés contre le pacte fondateur de cette transition qui n’est toujours pas mise en œuvre. Si le BSA demeure attaché à sa culture de dialogue et d’écoute, il ne saurait cautionner des pratiques politiques inacceptables et nocives pour le pays.
Pendant ces huit derniers mois au cours desquels les dirigeants du Pouvoir exécutif, insensibles, ont détruit l’espoir d’un changement, le pays n’a cessé de compter les massacres, les crimes de toutes sortes, les territoires perdus, les personnes déplacées, les scandales d’Etat, dans le mépris, l’indifférence voire la complicité de celles et ceux qui étaient appelés à l’œuvre de sauvetage national.
Il n’y a plus de temps à perdre aux rencontres inutiles qui ne peuvent servir qu’à conforter cet ordre destructeur qu’il convient impérativement de changer. Le moment est venu de construire avec toutes les forces du pays une véritable alternative pour sauver la nation, en préservant les fondamentaux de l’Accord du 3 avril.
C’est sur la base de ces considérations que le BSA a décliné l’invitation à vous rencontrer.
Avec nos salutations patriotiques
Pour le Bureau de Suivi de l’Accord du 30 août 2021